
Dans un contexte africain marqué par les tensions post-transitions, la récente publication d’une photo d’Ali Bongo et de sa famille à Luanda interroge. Comment analyser la réponse retenue de Libreville et les fondements d’une diplomatie gabonaise nouvelle, sobre et pragmatique ?
Il arrive qu’une image dise plus qu’un discours. Celle publiée récemment par la présidence de la République d’Angola, montrant Ali Bongo Ondimba, son épouse Sylvia Bongo valentin, et leur fils Noureddin, libres, visiblement en dehors du Gabon a surpris. Le communiqué publié sur Facebook, évoque leur arrivée à Luanda peu après la visite du Président Jão Laurenço à Libreville, alors qu’ils étaient incarcérés pour de lourdes charges : corruption, détournement de fonds publics, blanchiment, et faux en écritures publiques tout juste après les séquences qui ont suivi la prise du pouvoir par les militaires le 30 Aout 2023.
Le timing est tout sauf anodin. Il intervient juste après l’élection du Général Brice Clotaire Oligui Nguema à la tête de l’État gabonais, au terme d’une transition de deux ans. Une transition singulière, conduite dans un climat de retenue, sans règlement de comptes, et ponctuée par un dialogue national qui a jeté les bases d’un renouveau politique.
Un nouveau président, un nouveau langage
Depuis son arrivée au pouvoir, le Président Brice Clotaire Oligui Nguema a adopté une posture rare dans l’histoire politique africaine : pas de vengeance, pas d’humiliation, mais un appel au rassemblement. Aux anciens responsables du régime déchu, il a tendu la main, privilégiant la réconciliation à la purge. Une ligne politique qui tranche avec les dynamiques post-coup d’État ailleurs sur le continent.
Sa diplomatie suit la même logique. En deux ans, il a multiplié les déplacements en Afrique centrale, australe et occidentale, tendant les ponts vers ses homologues, cherchant continuellement à établir un dialogue responsable avec certains dirigeants africains. Son discours a toujours été celui du dialogue, de la stabilité régionale, et de la volonté de repositionner le Gabon comme acteur respecté dans les concertations africaines.
L’Angola n’a pas été écarté de cette dynamique. Malgré les tensions perceptibles, pendant la transition, Libreville a reçu les lettres de créance du nouvel ambassadeur d’Angola, preuve que le Gabon n’entend pas jouer la diplomatie du bras de fer. La publication de cette photo, dans ce contexte d’apaisement, sonne donc comme une dissonance volontaire de la part de l’Angola.
Un message entre diplomatie, mémoire et pouvoir.
En diffusant cette image, l’Angola rappelle subtilement qu’il n’a jamais validé la transition gabonaise. La suspension provisoire du Gabon de la CEEAC en septembre 2023, largement soutenue par Luanda, en était le premier signe. Malgré la reprise progressive des échanges bilatéraux, une certaine réserve subsiste.
Mais derrière ce geste se cache peut-être une stratégie plus large : celle d’un Angola qui, à la tête de l’Union africaine, veut s’ériger en pompier qui allume les feux de la déstabilisation et de la provocation.
Un Gabon sous surveillance bienveillante
Libreville ne peut ignorer ces signaux, mais le nouveau pouvoir Gabonais a jusqu’ici choisi la voie de la maîtrise, non de la réaction. Pas de démenti outré, pas d’escalade verbale. C’est la marque d’un pouvoir qui cherche à s’inscrire autrement : en bâtissant une diplomatie des ponts, non des ruptures.
Loin d’un isolement, le Gabon s’inscrit désormais dans une volonté de fédérer les efforts régionaux autour de la stabilité intérieure et régionale, de la coopération économique et de la sécurité collective. La diplomatie gabonaise semble avoir compris que l’ère du repli est révolue : dans un monde traversé par des défis sécuritaires et géopolitiques multiformes mais surtout du contexte de multipolarisation , la reconnaissance internationale ne se gagne pas par la force, mais par la constance et la cohérence des actions de pacification.
Une transition au-delà des ruptures.
La séquence actuelle rappelle une vérité souvent oubliée : toute transition démocratique crédible se joue autant sur le terrain intérieur que dans les cercles concentriques des rapports de forces géopolitiques et géostratégiques ainsi que dans la qualité des alliances régionales. Le président Oligui Nguema le sait, et ses gestes jusqu’ici démontrent une volonté d’inscrire le Gabon dans une normalisation apaisée, sans renoncer aux attentes de justice de son peuple.
Ni oubli, ni revanchisme
La diplomatie angolaise vient de rappeler qu’en Afrique, l’histoire immédiate ne s’efface pas si vite. Mais le Gabon, en refusant l’escalade, trace un autre chemin : celui d’un État qui ne veut ni oublier ni se venger. La construction de cette nouvelle République repose sur un équilibre porteur, la sobriété et le pardon. À condition que le langage de la main tendue soit reçu, compris, et respecté par ses partenaires.
Ni tempête, ni crépuscule :
Il est donc important de lancer cet appel à l’élévation peuple Gabonais. La normalisation des relations avec l’Angola n’invalide pas cette trajectoire : elle en souligne au contraire le mérite diplomatique d’Oligui Nguema, en révélant, par contraste, la sagesse d’une diplomatie gabonaise qui a préféré tendre la main plutôt que frapper du poing.
Il est désormais temps d’oublier les blessures et la démesure du passé, de refermer les chapitres de la discorde sociale. Au peuple Gabonais, cessons le feu car Il n’y a ni tempête à déclencher, ni crépuscule à souhaiter pour le Gabon, le seul souhait est de bâtir ensemble l’édifice nouveau auquel nous rêvons tous.
Le pardon ce n’est pas de l’oubli, c’est un dépassement ; la paix n’est pas un silence, c’est une volonté politique. C’est autour de cette doctrine, celle de l’apaisement et de la réconciliation que la nation tout entière est appelée à se rallier. C’est d’ailleurs un héritage, celui qui caractérise notre grandeur, la paix. Oui c’est un préalable à toute œuvre de construction durable.
Par Roy ATIRET BIYE, journaliste politique, en cours de spécialisation en Francophonie, Stratégie et Relations internationales.